La responsabilité civile du détenteur de chien
Un chien procure beaucoup de plaisir à son maître et à sa famille, mais il peut aussi, par son comportement, causer des dommages et porter préjudice à autrui, en conséquence il demande une certaine attention de son maître ou de toute personne chargée de sa surveillance.
Quelle est l’étendue de la responsabilité ?
La base légale de la responsabilité du détenteur d’un chien en suisse se trouve à l’art. 56 du Code des Obligations qui stipule :
» En cas de dommage causé par un animal, la personne qui le détient est responsable, si elle ne prouve qu’elle l’a gardé et surveillé avec toute l’attention commandée par les circonstances ou que sa diligence n’eût pas empêché le dommage de se produire.
Son recours demeure réservé, si l’animal a été excité soit par un tiers, soit par un animal appartenant à autrui. «
Cette disposition institue une responsabilité pour défaut de surveillance (dite causale), à savoir que le détenteur est responsable dès qu’il a objectivement violé son devoir de diligence, même si subjectivement on ne peut lui faire de reproche. Le chien est être vivant qui a un comportement instinctif et imprévisible. Il peut donc causer des dommages à autrui et l’on exige que le chien soit socialisé, gardé et surveillé de manière à éviter tout danger. La disposition tient compte d’un certain risque lié à l’animal.
L’exception libératoire
Le détenteur peut se libérer de sa responsabilité en prouvant avoir gardé et surveillé l’animal avec toute l’attention commandée par les circonstances. Mais le juge doit se montrer strict en ce qui concerne la preuve de cette exception. En effet, dans le cas d’une responsabilité ordinaire, c’est à la victime de prouver que l’action de l’auteur des faits est la cause du dommage, ici c’est l’inverse. C’est à l’auteur de prouver qu’il n’a pas failli à son devoir de diligence. C’est ce que les juristes appellent une responsabilité causale ordinaire.
Les facteurs à prendre en considération lors du jugement de la diligence requise dépendent de la race du chien, du caractère particulier de l’animal, de son éducation ainsi que les mesures de socialisation entreprises par le détenteur du chien et qui attestent qu’il n’a objectivement pas violé son devoir de diligence.
Le caractère particulier de l’animal rentre en considération sur la diligence du détenteur : votre chien a déjà mordu ou non, est-il jeune ou âgé, est-il de tempérament vif ou calme, est-il habitué ou non au trafic routier, est-il habitué ou non à rencontrer d’autres chiens, est-il socialisé, etc…
Qui est responsable?
Le détenteur ou le propriétaire d’un chien
Le détenteur d’un chien n’est pas nécessairement le propriétaire !
Selon la jurisprudence, doit être considéré comme détenteur, au sens de la loi, celui qui exerce la maîtrise effective sur l’animal et qui se trouve en mesure de prêter l’attention requise et les dispositions voulues pour parer au danger que présente l’animal. Les différents éléments de cette définition ne sont pas absolus et il convient de tenir compte des circonstances de chaque cas particulier (jurisprudence).
Le dommage causé par un chien
Un chien peut causer un dommage et porter préjudice à autrui de différentes manières. On pense évidemment aux morsures mais Il peut aussi saccager le jardin d’un voisin, faire chuter un cycliste, provoquer une collision avec une voiture, etc. Mais le dommage peut aussi résulter de la simple crainte qu’inspire le chien et qui provoque un accident.
Exemples de jurisprudence
• Le propriétaire d’un chien s’absente temporairement de son domicile et confie la garde de son chien à son épouse, il ne perd pas sa qualité de détenteur. L’épouse est alors considérée comme l’auxiliaire du détenteur et ce dernier répond du comportement de cette première dans la surveillance exercée sur l’animal.
• Le propriétaire d’un chien reste le détenteur d’animal responsable civilement lorsqu’il s’absente de son domicile pour 2 semaines de vacances et en laisse la surveillance à son fils. Son fils est alors considéré comme l’auxiliaire du détenteur et ce dernier répond du comportement de ce dernier dans la surveillance exercée sur le chien.
• Celui qui ne tient la laisse du chien dans la main un court instant, pendant que le propriétaire de l’animal achète du pain dans une boulangerie, ne devient pas encore de ce seul fait détenteur de l’animal.
• Le propriétaire d’un chien qui confie son animal à un chenil, un vétérinaire ou un toiletteur contre rémunération, le professionnel sera momentanément détenteur et sera responsable s’il manque à son devoir de surveillance. (Assurance responsabilité civile d’entreprises)
• Le propriétaire d’un chien confie son animal à une personne qui est incapable de le maîtriser, le propriétaire du chien reste responsable, sa faute a été de confier son chien à une personne inadéquate qui n’était pas en mesure de prêter l’attention requise et les dispositions voulues pour parer au danger que présente l’animal.
• Deux promeneurs passent devant une grange à l’intérieur de laquelle sommeillait un chien attaché à une chaîne. Le chien s’est précipité sur le premier individu et lui déchire son manteau. Pris de peur, l’autre individu se précipite vers une échelle, mais manque un échelon et chute dans une fosse profonde, ce qui provoque une atteinte durable à sa santé. Bien que le chien ne s’était pas attaqué à cette personne, le chien était bien la cause du dommage.
• Un enfant de six ans se rend chez ses voisins, comme il en a l’habitude de le faire, pour dire bonjour à leur chien, qui prenait le frais sur la terrasse couverte. L’enfant en ressort en hurlant, la joue en sang. Le propriétaire et détenteur du chien alerte son assurance responsabilité civile mais celle-ci refuse d’entrer en matière et de payer, estimant que son assuré n’a rien à se reprocher. S’agissant d’un chien réputé gentil, on doit admettre que son propriétaire n’a pas failli à son devoir de diligence. Il n’est donc pas responsable du dommage et son assurance responsabilité civile n’a pas à intervenir. Si le chien avait un caractère hargneux; le détenteur aurait alors dû prendre des mesures pour que personne ne l’approche.
Attention ! Ces exemples tirés de la jurisprudence ne sont pas absolus et il convient de tenir compte des circonstances de chaque cas particulier
Couverture d’une assurance RC privée
L’assurance de responsabilité civile privée garantit les personnes assurées contre les réclamations formulées par des tiers en vertu des dispositions légales en matière de responsabilité civile, comme la disposition de l’art. 56 CO.
La couverture s’étend alors aux actes de la vie privée (à l’exclusion en principe de toute activité professionnelle) des personnes assurées qui sont le preneur d’assurance et généralement toutes les personnes faisant ménage commun avec lui. Elle intervient en cas de lésions corporelles ou de dégâts matériels causés à des tiers.
Ainsi, lorsque votre chien dont vous êtes le détenteur inflige des dommages corporels ou matériels à un tiers, votre assurance responsabilité civile est amenée à intervenir pour vous couvrir et prendre en charge ces dommages et vous défendre contre des prétentions injustifiées ou exagérées.
Si par contre vous êtes amenés à devoir faire garder votre chien par une tierce personne ne faisant pas ménage commun avec vous, ce n’est plus votre assurance responsabilité civile privée de propriétaire du chien qui interviendrait en cas de sinistre mais bien l’assurance responsabilité civile privée de la personne qui le garderait. Cette situation provient du fait que celui qui garde un animal durant une certaine durée en devient légalement le détenteur.
Le risque de détenteur d’animaux fait généralement partie de la couverture d’assurance de base privée, pour autant qu’aucune rémunération n’intervient pour le travail accompli, renseignez-vous auprès de votre conseiller en assurance.
Garde d’animaux de tiers à titre lucratif
Dès l’instant où la garde d’animaux de tiers génère un revenu aussi faible soit-il, il s’agit d’une activité lucrative, il faut être prudent et bien se renseigner quant à la couverture précise accordée dans le cadre d’une assurance responsabilité civile privée contractée auprès des différentes compagnies d’assurances.
En effet, les couvertures et condition peuvent fortement varier d’une compagnie à l’autre. Certaines compagnies incluent automatiquement dans leur couverture de responsabilité civile privée ou moyennant une surprime, la prise en charge de dommages résultant de l’exercice, en qualité d’indépendant, d’une activité lucrative accessoire pour autant que le chiffre d’affaires qui en résultent ne dépasse pas un certain montant. Cependant, les dommages causés à l’animal confié sont alors exclus de la couverture d’assurance lorsqu’il s’agit d’une activité rémunérée.
Pour conclure, il est essentiel pour chacun d’entre nous de vérifier l’étendue de notre couverture accordée par notre assurance responsabilité civile privée.
Nos conseils :
1. Aviser votre assurance responsabilité civile privée par courrier que vous êtes propriétaire ou future propriétaire d’un chien en stipulant la race (chien potentiellement dangereux) et demandez quelle est la couverture de votre assurance responsabilité civile privée pour les dommages et les préjudices portés à autrui par votre chien.
2. Aviser votre assurance de protection juridique, si vous en avez, dans le cas contraire évaluez l’opportunité de souscrire à une protection juridique, celle-ci vous assistera dans le cas où vous seriez victime d’un dommage et elle prendra en charge les frais souvent importants d’expertise, d’avocats, de procès, etc. Les assurances de protection juridique seront aussi présentes si vous avez un litige avec votre assureur ou avec celui qui vous a lésé !
3. Conservez dans un dossier tous les documents et attestation de compétence des cours d’éducation canine, des stages de socialisation ainsi que les consultations chez le vétérinaire. Dans le cas où vous devez justifier comme propriétaire et détenteur de votre chien que vous avez respecté vos obligations ainsi que votre devoir de diligence et entrepris toutes les démarches d’éducation et de socialisation de votre animal.
4. Participer avec votre famille à nos stages de socialisation qui sont recommandés pour tous les chiens quel que soit l’âge, la taille et la race car ils offrent l’opportunité pour votre animal de compléter sa formation de base acquise dans les cours pratiques de socialisation primaire et de renforcer le développement de sa socialisation par des activités ludiques, stimulantes et formatrices d’éducation et de désensibilisation par le renforcement positif (R+). Au terme du stage, vous recevez une attestation de participation que vous pouvez joindre à votre dossier de propriétaire et détenteur de votre chien.
Catégorie(s) : Juridique
Sources:
PréviaConsult – Votre courtier de référence en assurances: (Lien sur le site)
Association romande des éleveurs de chiens de race: (Lien sur le site)
Site d’information – Les Retrievers: (Lien sur le site)
Stages de socialisation et de désensibilisation: (Lien sur le site)
Jurisprudence: (110 II 136) – (102 II 232) – (126 III 14)